Quand la loi Sapin II oblige à justifier de la conformité de son écosystème
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Quand la loi Sapin II oblige à justifier de la conformité de son écosystème

Les entreprises soumises aux dispositions de la loi Sapin II, aux obligations de DPEF et plus encore à celles de la loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance supportent aujourd’hui des obligations « écosystémiques » : il ne s’agit plus de justifier de la conformité de sa propre organisation interne, mais de celle chaque acteur de son écosystème et de la chaine de valeur dans son ensemble.




Il s’agit de surcroît d’élargir sa communication aux « parties prenantes » qui se voient reconnaitre la possibilité d’engager la responsabilité de l’entreprise s’ils estiment qu’elle n’a pas satisfait ses obligations de vigilance.


Cette nouvelle réalité pose de multiples défis juridiques tant en termes de nature des obligations, que de régime juridique applicable ou de profondeur des sanctions encourues.

Concernant le devoir de vigilance, comme chacun sait, ces dispositions ont été prises à la suite de l’effondrement du Raza Plaza en 2013 au Bengladesh. Cet immeuble était occupé par de nombreux ateliers de confection, sous-traitants indirects de grandes marques internationales. L’effondrement de cet immeuble a causé plus de 1100 morts et 2000 blessés.


Si dans leur excellent rapport de janvier 2020 sur cette loi, Anne Duthilleul, Matthias de Jouvenel prennent soin de rappeler que « le Devoir de vigilance n’est pas une obligation de résultats ni une exigence illimitée de moyens », ils poursuivent néanmoins qu’ « elle impose d’identifier les risques (cartographie) pour réduire les plus probables et les plus graves » et que si « ni la lettre ni l’esprit de la Loi ne sont une responsabilité a priori pour autrui », cette loi fait obligation « de chercher dans sa sphère d’influence, les risques pertinents sur les « droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » pour les réduire ». « L’idée n’est pas de cocher toutes les cases dans un pur formalisme destiné à se couvrir juridiquement, mais de repérer les sujets saillants sur lesquels agir en profondeur. »

Nous pensons que ces « éclaircissements » décrivent une véritable obligation de résultat. L’aléa juridique est ici à son comble. On imagine sans peine qu’en présence d’un nouveau drame aux conséquences considérables, le juge éprouvera des difficultés à ne pas entrer en voie de condamnation au motif que le fait générateur aura été difficilement prévisible, au risque de « tuer la loi ».


L’intensité du risque sera reconstruite à partir des effets du drame et non plus de ses causes et il sera démontré que l’analyse du risque n’a pas été suffisamment poussée et que la société n’a pas suffisamment agit en profondeur pour en « réduire » les conséquences si manifestes. Les concepts juridiques qui se cachent derrière cette loi reste à approfondir.

Un autre défi conceptuel nous semble devoir être ici énoncé. Celui de la caractérisation juridique de cet écosystème et de cette chaine de valeur.

Si les notions de société créée de fait, de groupe, de dépendances économiques, de concentrations, ont mis plusieurs dizaine d’années à se consolider, l’écosystème dont il s’agit ici semble se rapprocher d’avantage des notions de « filière », de « plateforme », de « commun » ou de « réseau » qui restent des notions neuves dont la qualification juridique et l’efficacité dépendront en grande partie de la manière dont ils seront mis en œuvre et opérés, de la profondeur des interactions et des contrôles, des outils mobilisés, des données partagées et des modèles économiques déployés.

Ce défi conceptuel est d’autant plus profond, qu’il doit s’analyser au travers des multiples systèmes juridiques auxquels dont les acteurs de ces écosystèmes sont soumis. Les conséquences juridiques des injonctions d’un donneur d’ordre sur l’organisation du travail de ses sous-traitants devront s’analyser au regard de la loi du donneur d’ordre mais aussi de la loi de chacun des sous-traitants.

Là aussi il y a un champ de travail juridique considérable à mettre en œuvre.


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